Le mot du directeur
Notre école en 2007
Cette année encore, dans notre établissement, on a voulu donner à vos enfants les valeurs primordiales que l'école a toujours essayé de transmettre. Ca n'est pas sans difficulté! Mais dans notre petite école, « le Petit Poucet des bords du lac », il y en a du travail! Peu d'esbroufe, il est vrai, un manque de communication auquel nous devons pallier, mais un travail de fond très profond.
Je m'explique: depuis pas mal d'années, l'enseignement s'est mieux adapté aux exigences d'un monde qui bouge tout le temps, d'enfants qui sont d'une autre époque où tout s'accélère. Les Enseignants sont en perpétuelle mutation, pourrait-on dire, à travers les diverses réformes de nos Ministres et Inspecteurs Généraux, avec les réticences légitimes des changements successifs, les virages à 180°, les retours en arrière ou les envolées lyriques... Je rappellerai, pour mémoire, « la théorie des ensembles » sans y ajouter de commentaires.
Une prochaine réforme est sous presse, avec comme thème récurent « mieux s'adapter » ou encore « mieux faire ». Le mieux n'est-il pas l'ennemi du bien?
Après plusieurs années de pratique, nous revenons à des « standards » très classiques. Moult ministres redisent obstinément, tour à tour, « lire, écrire, compter », reprenant ainsi la pédagogie grecque de l'époque d'Aristote. Si le pédagogue n'est plus cet esclave qui accompagne l'enfant du riche Athénien en lui faisant répéter ses leçons de la veille, le pédagogue d'aujourd'hui est souvent l'esclave des réformes qui se multiplient où l'essentiel est quelquefois oublié.
En analysant grossièrement les quatre dernières générations, on pourrait dire que nous sommes passés d'une période du « transfert des savoirs » à une période visiblement plus chaotique de « l'enfant au centre de ses apprentissages ». L'enfant n'est plus celui qui doit faire l'effort d'apprendre, il est « l'apprenant au centre des ses apprentissages », c'est à dire qu'il est déjà au « centre » (de quelque chose qu'il ignore) de la connaissance. Curieux!
Les « activités diversifiées » ont remplacé en partie le « savoir ». Etonnant non? Nous recevons chaque semaine par courrier des propositions de ces activités: cela va de la visite de l'abattoir municipal à la confection de fusées... en bref, un déploiement fébrile d'activités (coûteuses!) qui tuent le désir d'apprendre.
Certains ministres ont même osé dire qu'en travaillant moins, mais mieux, les élèves arriveraient jusqu'au BAC sans crainte. Tiens donc! Ils ne précisaient pas, par ailleurs, combien d'heures et combien de nuits blanches ils avaient dû s'imposer pour franchir les portes de l'ENA. Un oubli sans doute...
On est encore dans cette optique, que je qualifierai d'aveuglement, si je puis me permettre cette boutade. On a encore cette hantise de demander un effort à ses enfants. On veut les protéger de ce handicap, pour en préférer un autre qui ressemble à de l'inculture.
Nous préférons la notion d'effort, de travail et nous la mettons en valeur, quotidiennement, en y incluant le désir de savoir, de connaître. Nous valorisons la réussite, surtout quand l'effort a été important. Les frustrations d'un échec se muent en fierté de réussite lorsque l'enfant s'est affronté à lui.
Nous gardons les bonnes recettes du passé! Pourquoi les reformuler en faisant croire qu'elles sont nouvelles? On ne crée de nouveau que ce qu'on a oublié!
Pierre Aubert, Directeur de l'Ecole du Vieux Port, 10 mai 2007.